L’enquête de 1809 sur l’état des moulins à farine dans le département du Nord (Archives Nationales F20-292) révèle la présence de 4 moulins à Anor avec 9 tournants (9 roues). Trois se situaient sur le Ruisseau des Anorelles et un sur l’Oise
En préambule signalons qu’un moulin à blé construit vraisemblablement au début du XII siècle en même temps que le château bâti par Nicolas d’Avesnes fut détruit par les guerres et remplacé par une forge en 1509. Il était situé sur l’étang du village appelé le grand étang. Celui-ci formé d’une retenue d’eau de la rivière l’Anor occupant près de 18 hectares fut comblé progressivement entre 1910 et 1950.
Essayons de retracer maintenant l’histoire de chacun de ces moulins.
Tout d’abord précisons que chaque moulin avait besoin de suffisamment d’énergie pour mouvoir ses roues, d’où la nécessité de créer de grands étangs. Dessinons donc une carte hydrographique succincte actuelle du territoire d’Anor en y ajoutant les étangs disparus.
L’eau d’Anor traverse l’étang de la Galoperie et en aval de celui-ci conflue avec le Ruisseau des Anorelles dont l’étang était déjà asséché en 1883. Ces deux rivières descendent dans le centre du village alimentant alors un grand étang qui fut asséché en 1931. Elles alimentent ensuite l’étang de Milourd avant de se jeter dans l’Oise au dessus de l’ancien étang dit « du Maka de Milourd ». L’Oise qui limite les territoires d’Anor et d’Hirson alimente les étangs de la Neuve Forge et de la Lobiette séparés d’1 kilomètre.
Et voici une carte avec la localisation des quatre moulins :
Le moulin « des Anorelles »
Il fut bâti en 1576 par Jean Musquin et Nicolas Posteau sur le ruisseau des Anorelles *1.
En janvier 1619 ce même Jean Musquin demanda l’autorisation de construire un nouveau moulin près de sa forge au grand étang. Signalons ici que Jean Lescohier avait vendu cette forge en 1518 à son beau fils Jacqmart Carlié, et qu’entre 1580 et 1585 les héritiers de Jacqmart Carlié s’étaient déshérités en faveur de Jean Musquin.
Jean de Lobbe, propriétaire du moulin de La Lobiette et du moulin d’Anor, protesta et un procès s’ensuivit. Le 8 mars 1621 la Cour souveraine de Mons déclara « les dits complaignants non recevables » *2.
Jean François Charlet était dit meunier des Anorelles sur son acte de décès du 2 Août 1745. Jacques Charlet né en 1749 fils de Jean Philippe et d’Anne Jeanne Bourguignon en était le locataire en 1775.
En l’an X, Louis Despret, propriétaire du moulin des Anorelles, le loua toujours à ce Jacques Charlet marié à Marie Barbe Hardy.
Entre 1823 et 1856 ce moulin à deux tournants appartenait à Prosper Jacquot, meunier à Anor. En 1865, il fut démoli et son propriétaire était alors Joseph Fostier.
*1 Inventaire des Archives de la Pairie d’Avesnes aux Archives nationales. *2 Archives de l’Etat à Mons.
Le moulin du Village
Ce moulin est très ancien avec une pierre portant la date de 1609. Il bénéficiait d’un superbe bief nommé Etang du Village ou Grand Etang. En 1823, il appartenait à la commune, en 1832 à Pierre François Dellove meunier à Anor, en 1855 à Désiré Bernaille maitre de forge à Anor, en 1877 à son beau fils Alphonse Despret ingénieur à Anor et en 1904 à son fils Emile Despret maitre de forge, propriétaire aussi de la Vieille Forge à Anor. Le bâtiment sera transformé dans les années 1920 en atelier de menuiserie par Jules Cogniaux. Le frère de celui-ci Auguste Cogniaux y sera tonnelier dans les années 1930.
Le moulin d’En Bas
Le troisième moulin que rencontre le ruisseau des Anorelles est appelé le moulin « d’En Bas ». Nous avons indiqué plus haut qu’en 1509 une forge avait remplacé un ancien moulin situé au dessous de l’étang du village.
L’acte d’arrentement de 1509 permettant à Jean Lescohier d’édifier cette forge lui laissa la possibilité s’il le souhaitait de construire un moulin à blé, ce qu’il fit en 1518, édifice situé « au dessoubz dicelle forge »*1. C’est le moulin d’Anor.
En 1675, Jacques Poschet était propriétaire du moulin d’Anor, pour lequel il payait 6 livres de rentes à l’église *2.
Le premier octobre 1711, Demoiselle Anne Delepine, de Maçon, vendit le moulin à Pierre-François Préseau, avocat à Avesnes *3.
Le 3o juillet 1712, les échevins de la franche ville d’Anor reconnaissaient que le propriétaire de la forge n’était pas obligé de lâcher de l’eau pour l’usage du moulin.
Le 26 janvier 1716, Jacques Dawant, fermier du moulin, demanda suite à une très forte gelée à Guillaume Goulart, propriétaire de la forge d’Anor, résidant à Trélon, de lui donner de l’eau, afin de pouvoir moudre le grain des habitants d’Anor et des étrangers. Goulart y consentit moyennant une coupe de blé par jour. Dawant dût payer, pour huit jours, deux razières de blé.
Le 9 septembre 1740, Jacques Provins, fermier du même moulin, demanda à François-Joseph Goulart, demeurant à Glageon, propriétaire de la forge, de lui lâcher de l’eau, la forge étant arrêtée pour réparations. Goulart fit droit à sa demande contre paiement d’une coupe d’avoine par jour.
En 1775 Pierre Carniaux marié à Marie Joseph Petit était meunier et propriétaire du moulin d’Anor.
En 1778 c’était François Joseph Delloue marié à Marie Gabrielle Caignet puis en 1848 leur fils Delloue Philippe Polycarpe marié à Clarisse Baudemont.
En 1881 et en 1905 le moulin produisait toujours de la farine.
En 1906 François-Henri Asselin en fit un atelier de constructions mécaniques.
De nos jours le bâtiment n’a guère changé et est devenu une habitation rue de la Papeterie.
*1 Documents du comte de Hennezel d’Ormois. *2 Dénombrement des héritages, cens et rentes appartenant à l’église d’Anor. *3 Acte de Thomas Beviere notaire à Avesnes.
Le moulin de la Neuve Forge
Enfin un quatrième moulin est édifié sur l’Oise à la « Neuve Forge », à la fin de la deuxième moitié du XVIII siècle.
En juin 1554 un moulin à eau fut incendié à cet endroit par les troupes du cardinal de Montmorency. Plusieurs fois détruit c’est ce moulin qui fut rebâti dans la deuxième moitié du XVIII siècle par Nicolas Aubert Poschet marié à Marie Anne Jacquier.
En l’an X, il appartenait à son fils Pierre Joseph Poschet de Chimay.
En 1865 un dénommé Hardy l’exploitait. Il subsista comme seul moulin en 1906.
Signalons que ces quatre moulins avaient une particularité commune : aucun n’était banal, contrairement à ce qui avait lieu généralement ailleurs.
Les meuniers travaillaient à façon car les habitantes d’Anor faisaient elles mêmes leur pain.
Les denrées données à moudre étaient le blé, le seigle, l’épeautre et l’avoine.
Les meuniers pouvaient aller chercher les grains et reconduire le produit de la mouture chez les particuliers ou bien ces derniers pouvaient apporter leurs grains et ramener la farine chez eux.
Le nombre conséquent de moulins sur le territoire d’Anor, le plus important après St Vaast (5) dans l’arrondissement d’Avesnes, s’explique par l’importance de la population : 190 feux en 1600, 250 feux en 1700, 450 ménages en 1800, 2600 habitants en 1850 et plus de 4600 en 1901.
Il est vrai que ce bourg par ses chapelets d’étang a vu prospérer dès le XVI siècle hauts fourneaux et forges, au XVII siècle les verreries et également de nombreuses autres industries au cours des années 1800 à 1900 (ateliers de peignage, brasseries, fabrique de chicorée, fabriques de clous…). Profitons de ce dossier des moulins à Anor pour dresser, une fois n’est pas coutume, un tour d’horizon rapide des sept forges d’Anor.
Les Forges d’Anor
Nous allons passer en revue les établissements métallurgiques qui se sont installés et développés au cours du temps sur la commune d’Anor.
La rédaction de cet article est une reproduction partielle quelque peu modifiée et actualisée d’un article écrit en 1906 par Edouard Bercet dans le bulletin de la Société d’études de la province de Cambrai Tome 8.
La Vieille Forge
La date de création de cette forge est de 1509.
En effet le moulin d’Anor existant près de la forteresse ou château ayant été détruit par les guerres, par recours public en date du 17 février 1509 « la place où cy-devant avoit un moulin, le vivier, l’escluse, ventillerie et pond gisant à la ville d’Anor tenant à la maison de mon dit seigneur » furent donnés en arrentement par le prince de Chimay, seigneur de la terre et pairie d’Avesnes, à Jean Lescohier, moyennant 64 livres tournois par an,« pour y asseoir et ériger un édifices et heustensils pour faire un fourneau à fondre fer, aussy un affinoir et marteau à battre les dits fers. »
Le 7 avril 1518, Jean Lescohier, dit Martene « marchand féron demeurant à Melsart», terre de Trélon, vendit à Jacqmart Carlié dit Denison, son beau-fils, demeurant à Anor, et à Bastien Colinetz, brasseur et marchand, demeurant à Trélon, moyennant le prix de 1140 livres tournois « l’héritage de la forge et huisine à faire fer de lad. ville d’Anor, tant gros marteau, affinoire, caufrie, fourneau, les hostilzs et harnaiz ad ce iservant, aussi le vivier et cours d’eauve dud. Anor ensemble aultres parties appartenant à lad. forge. »
Les acquéreurs stipulaient pour chacun l’acquisition par moitié, avec réserve que Carlié pourra, quand bon lui semblera, reprendre la part de son co-acquéreur moyennant 570 livres tournois, à moins « que led. Jacqmart Carlié face vendaige ou aliénation de portion et moitiez en les mettant ou vendant en main étrange», car alors il ne pourrait acquérir la portion de Bastien pour ce prix ni autrement *1.
En 1526 Carlié avait assurément acquis la deuxième portion car à sa demande, Louise d’Albret, épouse de Charles de Croy, prince de Chimay, seigneur de la terre et pairie d’Avesnes, faisait « par grâce spéciale» remise de six années d’arrérages à raison chaque année de 64 livres pour le vivier et la forge et de 10 livres 10 sols pour trois muids de blancs-bois qui lui avaient en même temps été concédés dans la haie d’Anor *2.
D’après des comptes de la pairie d’Avesnes existant à Lille, aux Archives du Nord, cette forge fut brûlée en 1657 par l’ennemi (les Français).
Le 10 janvier 1580, Betternier de Lonnervaux et Anne Carlié sa femme « se desvestissent et deshéritent par devant les maieur, eschevins et juret de la franche ville d’Anor, moyennant certain et juste prix », en faveur de Jean Musquin, marchand et maître de forges, qui aussitôt en fut « avesty et ahérité par rain et par baston pour lui et ses hoirs, de toute telle parte, droict et acsyon si come il avointe à la grosse forge, fournyaux, viviers, huysine d’Anore. »
Ces droits venaient du patrimoine d’Anne Carlié.
Le 16 mai 1580, Augustin Nonon, marchand à Momignies, qui avait les mêmes droits par suite d’acquêt – certainement d’un enfant de Jacqmart Carlié — s’en dévêtit et déshérita, également en faveur du même.
Le 25 mai 1585, c’est Françoise Gillion, veuve d’Antoine Carlié, à cause de son douaire, Martin, Philippe et Jean Carlié, comme venant de leur patrimoine, qui se dévêtirent et déshéritèrent à leur tour en faveur de Jean Musquin.
Le 26 mai 1585, enfin, Jean Carlié concèda les mêmes droits *3.
Ils devaient être les héritiers de Jacqmart Carlié. Jean Musquin qui, avait aussi construit le moulin des Anorelles, se trouvait ainsi seul propriétaire de la forge.
Jean Musquin épousa Louise Poschet. Il n’était probablement issu qu’un enfant de leur union, Jacqueline, qui se maria à Antoine de Salengre.
La forge passa à Philippe Poschet (cousin issu de germains) qui s’unit à Catherine de la Lobbe, et, par leur avis du 20 juillet 1646, aux mains d’Alexandre Poschet, leur fils.
Après la mort de celui-ci, elle fut attribuée, le 27 juin 1661, à Jacques Poschet, son frère, maître de forges et prévôt d’Anor qui épousa Anne Dumaisnil.
La forge ayant été décrétée (saisie) par devant la loi d’Anor, Philippine Poschet, fille majeure de Jacques, s’en rendit adjudicataire et, le 3 décembre 1691, par acte passé devant Philippe Boussu, notaire à Avesnes, la vendit à Guillaume Goulart, receveur de la terre et marquisat de Trélon et de la baronnie de Glageon, demeurant à Trélon, moyennant la somme de 5013 livres 13 sols. L’acquéreur ne versa comptant que 4013 livres 13 sols, réservant 1000 livres « pour payer les mandemens qui ont été fait par la contribution sur la ditte forge depuis le commencement de la présente guere *4. »
Guillaume Goulard marié à Albertine Lebrun eurent une fille Albertine Thérèse qui épousa le 04 Juillet 1702 Nicolas de Hennezel d’Ormois. (Contrat de mariage chez Me Boussu notaire à Fourmies).
La forge resta dans cette famille jusqu’au 26 juin 1767 date à laquelle elle fut achetée par Pierre-Joseph Machelart, seigneur d’Iviers (Aisne), marié en 1758 à Julie-Joseph Goulart. Il l’acquit de son beau père Louis de Hennezel, seigneur d’Ormoy, d’Antheny, de la Neuville-aux-Joûtes, escuyer maitre de verreries, fils de Nicolas et d’Albertine Thérèse Goulard suivant acte passé devant Me Renaut, notaire à Féron.
Au moment de la Révolution, son fils, Alexis-Joseph Machelart, dit M. de Sarteau (d’un fief avec forge qu’il possédait dans les environs de Charleroi), était propriétaire de la forge qui nous occupe.
Il émigra, et la forge fut vendue comme bien national au district d’Avesnes le 9 fructidor an II (26 août 1794), avec l’étang et les ustensiles, à trois habitants d’Anor, François Huart, Jean-Joseph Brassart et Jacques- Joseph Meunier, qui rétrocèdèrent leur marché le 21 fructidor suivant à Jean-Baptiste Bernaille, de Mondrepuis, qui s’engagea à acquitter la demeurée de 28900 livres de France faite au district.
Une ordonnance royale, du 13 septembre 1820 autorisa le sieur Bernaille Jean-Baptiste à maintenir en activité la vieille forge d’Anor, composée de deux feux d’affinerie, d’un feu de chaufferie, de deux martinets et d’un bocard à six pilons.
Son fils Etienne Désiré Bernaille fut maitre de forges en 1843 puis son beau fils Alphonse Despret marié à Marie Hélène Bernaille.
La vieille forge appartenait en 1906 à M. Émile Despret, arrière petit- fils, par sa mère, de Jean-Baptiste Bernaille. En 1902, il y installait une fabrique spéciale de couteaux mécaniques, taillanderie et outillage.
La Forge de la Lobiette
La forge de la Lobiette sur l’Oise dût être rebâtie en 1503; le vivier était vague à cause des guerres, et, en cette dite année, il était donné avec les prés et le petit courtil, à titre d’arrentement, moyennant 40 livres tournois par an, au profit du seigneur d’Avesnes, à Jean Le Molnier, dit de la Lobbe, à charge par lui « de remettre le vivier à eau claire et de retenir l’écluse bonne et souffisante ».
Au XVIe siècle, c’était un haut-fourneau produisant de la fonte.
A la fin du XVIIe siècle, comme celui du Maka de Milourd, il avait disparu, à cause des guerres.
Une forge y fut établie dans la première moitié du XVIIIe siècle.
En 1790, c’était un sieur Colardeau qui en était le propriétaire,
La statistique du préfet Dieudonné (1804) dit que la forge de la Lobiette existe depuis quatre-vingts ans et qu’elle est exploitée parle citoyen Carion d’Anor.
En l’an X, elle appartenait à Nicolas Carion, maître de forges à Anor.
Le 13 septembre 1820, l’ordonnance royale autorisait le sieur Poschet à maintenir en activité la forge de la Lobiette, composée de deux feux d’affinerie, d’un feu de chaufferie, d’un gros marteau et d’un bocard.
L’affiche annonçant la vente, le 29 juillet 1852, de « La Terre de la Neuve-Forge » appartenant à Pierre Poschet, propriétaire à Chimay, dénommait ainsi la forge de la Lobiette: « Une forge à battre fer, appelée forge de la Lobiette, activée au charbon de bois, comprenant deux feux d’affinerie et un gros marteau, maison d’habitation, magasins et halle aux charbons ».
Le sieur Bousies, de Marquenoise, acheta, en 1904, la forge de la Lobiette à M. le comte de Brigode. Cette forge exploitée par la société Despret Frères puis par la société des forges de Milourd ferma ses portes définitivement en 1905.
La Neuve-Forge
La création de cette usine remonterait au 6 août 1670, d’après une note du 29 janvier 1839, rédigée par M. Brouet, alors directeur des usines de la Lobiette et de la Neuve- Forge, pour MM. Poschet père et fils *5.
Cette date est bien vraisemblable et la concession a dû être faite au profit d’un Le Mosnier.
Nous lisons en effet dans l’Histoire de l’abbaye et du Bourg de Saint-Michel-en- Thiérache, par Dom Lelong, que, par acte du 23 août 1631, reçu à la Lobiette par Le Vasseur, notaire, le chapelain de la confrérie du Rosaire, établie dans l’église de Saint-Michel, doit avoir 200 livres de rente annuelle à prendre sur les biens de la Neuve-Forge et de la Lobiette, dites Terres-Brûlées, appartenant aux Le Monier et à leurs héritiers, maîtres de la Neuve-Forge, paroisse d’Anor, qui étaient redevables à l’abbaye de Saint-Michel de 23oo livres d’une part et de 900 livres d’autre part.
D’après l’analyse du Cartulaire de Saint-Michel, d’Amédée Piette, publiée en 1893 par la Société archéologique de Vervins, en 1349, Gobert, abbé, et son couvent ont cédé à Colart Poisson, de la Lobiette, plusieurs pièces de terre, moyennant une rente annuelle de 20 sols parisis payable à la Saint-Rémy. Ce Colart Poisson était sans nul doute l’usinier de la Lobiette.
En 1695, Pierre Poschet était propriétaire de la Neuve-Forge. Il était taxé par l’ennemi, — toujours les malheureuses et ruineuses guerres, — à 5o.ooo livres qu’il négligea de payer, probablement pour une bonne raison. Neuf hommes conduits par un nommé Culot d’Anor, vinrent un soir enlever les huit ouvriers de la Neuve-Forge et partirent en diligence vers Namur. Ces soldats, qui avaient marché toute la nuit, éprouvèrent le besoin de se reposer et entrèrent dans une grange. Pendant leur sommeil, un des ouvriers trouva le moyen de se débarrasser de ses liens et de mettre ses compagnons en liberté.
Ils saisirent les armes des ennemis et tuèrent-chacun leur homme, à l’exception de Lalouette, marchand à Saint-Michel, qui laissa échapper la sentinelle, réveillée au bruit, mais qu’un nommé Broutin, de la Neuville-aux-Joûtes, arrêta d’un coup de fusil dans la cuisse.
L’historien, dom Lelong, qui rapporte cet épisode, les blâme à juste raison d’avoir épargné Culot *6.
En 1701, onze forges étaient en activité dans la dépendance d’Avesnes, dont la vieille et la neuve forge d’Anor.
En 1771, la production de la forge neuve d’Anor était de 979 quintaux, même production qu’au Maka de Milourd.
Dieudonné dit (18o4) que l’existence de la Neuve-Forge remonte à cent cinquante ans et qu’en 1789 le produit du fer était de 102.3o6 kilogrammes.754, et en 1801 de 135.103 kilogrammes. 656.
En l’an X, la forge, l’étang et le moulin appartenaient à Poschet, de Chimay, ainsi que la forge de Milourd.
Le 20 septembre 1820, une ordonnance royale autorisa Pierre- Joseph Poschet, de Chimay, à maintenir en activité l’usine à fer dite forge neuve d’Anor, composée de deux feux d’affinerie, d’un feu de chaufferie, d’un gros marteau et d’un bocard.
L’affiche dont nous avons parlé précédemment à l’occasion de la forge de la Lobiette, dénomme ainsi les usines de la Neuve-Forge:
« Une forge à battre le fer, activée au charbon de bois, appelée la forge de la Neuve-Forge, située sur la rivière d’Oise, comprenant deux feux d’affinerie et un gros marteau, belle maison d’habitation, magasin, halle au charbon, etc. Un moulin à eau à trois tournants, monté à l’anglaise, avec nettoyage, etc. »
Le 28 décembre 1865, un arrêté préfectoral autorisa les sieurs Auguste Forlet et Cie, locataires, à transformer en scierie mécanique l’usine de la Neuve-Forge appartenant au prince de Chimay; cette scierie fut arrêtée en 1900.
Le Maka de Milourd.
Il convient de distinguer le Maka de Milourd de l’usine de Milourd proprement dite. Le Maka est le plus ancien.
Nous sommes porté à croire que celui qui a édifié l’usine le long d’une voie dite le chemin de Milourd était riche comme un milord, et pour nous la qualification a été donnée à un membre de la famille Le Molnier ou Lemonnier, dite de la Lobbe.
La Lobiette, la Neuve-Forge, le Maka, le Pas-Bavard étaient les produits des forêts d’alentour. Les seigneurs d’Avesnes avaient un intérêt majeur à favoriser ces sortes d’établissements ; aussi le 20 août 1564, Philippe de Croy concèda-t-il le droit déjà donné en 1512 d’établir des forges et fourneaux à Anor, ainsi que les eaux et le terrain nécessaires et de plus permit d’extraire, pour les alimenter, minières et minons dans toute la terre d’Avesnes.
En ce qui concerne le Maka, le 25 septembre 1600, Charles duc de Croy et d’Arschot, seigneur d’Avesnes et prince de Chimay, concèda à Nicaise Lalobbe au lieu dit Deseubre (d’zeui-, c’est-à-dire au-dessus) le Petit-Pas-Bayard, le cours de la rivière d’Oise, à l’effet d’y construire une forge à fondre et forger le fer, moyennant « le rendaige par chacun an de douze livres tournois de rente perpétuelle et sans rachat », et à charge de prendre dans les bois du prince tout le bois que consommera l’usine *7.
Voilà sans conteste l’origine du Maka qui, d’abord haut-fourneau fabricant la fonte, fut transformé en une forge peu après 1787.
Cette usine, comme les établissements similaires subit des temps d’arrêts même prolongés, à cause des guerres ruineuses et incessantes des XVIe et XVIIe siècles. Ainsi, au commencement du XVIIIe siècle, le fourneau seul de la Galoperie était en activité; aussi a-t-on écrit que le Maka de Milourd fut établi en 1815 *8.
Une ordonnance royale du 2 février 1826 autorisa les sieurs Guillaume Bocquet et Cie, propriétaires de l’usine à fer dite Maka ou petite forge, au lieu dit les Crayaux de Milourd, à tenir cette usine en activité. Elle comprenait deux feux d’affinerie, un feu de chaufferie, deux marteaux et un bocard. Elle avait été acquise le 6 novembre 1820 de François Despret et fils, à la suite d’un arrangement de ceux-ci avec leurs créanciers. Toutefois les mêmes continuèrent à l’exploiter.
L’ingénieur Lecomte, déjà cité, dit que le Maka de Milourd semble avoir été, dans le principe, uniquement destinés au dégrossissement du fer, servent aujourd’hui (1843), à l’affinage de la fonte.
En 1855, le Maka appartenait à MM. Berni et Douchy, d’Hirson et était tenu en location par la Société Beuret, Godard-Desmaret, Dertelle et Cie. Il comprenait un four à puddler, deux affineries au charbon de bois, une chaufferie à la houille, quatre marteaux, une forte soufflerie, trois roues hydrauliques.
Il était en 1906 la propriété de la famille Despret et était exploité par la Société des Forges de Milourd.
La Forge de Milourd
La fondation de l’usine de Milourd proprement dite, sur le ruisseau de l’Anor, datait de 1742; elle fut autorisée par le duc d’Orléans, seigneur de la terre et pairie d’Avesnes. Le 1er septembre 1741 Jean- François Despret, maître de forge à Anor, obtint la concession de la rivière d’Anor, au-dessous du moulin du dit lieu (moulin d’en bas) en qualité de fief ample relevant de la terre et pairie d’Avesnes, à charge de payer annuellement 12 livres, monnaie de France, tant pour l’usage du cours de la rivière d’Anor, que pour la permission d’y faire une forge avec un étang, à charge par lui de dédommager tous ceux auxquels la concession du cours d’eau et la construction de la forge pourraient porter dommage ou préjudice *9.
Voilà sans doute l’origine des 75 livres dont la forge et l’étang de Milourd étaient chargés annuellement au profit des pauvres, suivant un compte de 1789.
En 1771, elle fabriquait 979 quintaux métriques de fer.
Voici ce qu’en dit la statistique du préfet Dieudonné: » La forge dite Milourd, existant depuis cinquante ans, est exploitée par le citoyen François Desprez, de Chimay ».
En 1842, Antoine Despret convertit la forge de Milourd en une usine pour la fabrication de l’acier et des limes.
L’année précédente, l’autorisation de fabriquer de l’acier avait été refusée à MM. Poschet frères, propriétaires de l’usine de la Neuve-Forge, à cause de la proximité de la frontière belge.
La société anonyme des Forges de Milourd sera ensuite exploitée jusqu’en 1955.
Milourd Usine 1906
La Forge de la Galoperie
Le 20 août 1664, le duc de Croy, seigneur de la terre et pairie d’Avesnes, cédait, à titre de fief relevant de sa terre, 31 rasières d’héritages, au lieu dit la Haye d’Anor, « pour pouvoir faire et édiffier une huisine de fourneau à fondre et forger le fer, et les estants et teneurs d’eaux adcoutumez » à Jean Galopin, marchand à Mons, moyennant chaque année 6 patars la razière et 12 livres tournois pour les deux courants d’eau (l’Anor et l’Anorelle).
Il lui était de plus fait obligation de prendre dans les bois du prince tous les bois dont il aura besoin « pour le fournissement des charbons requis à la ditte forge. » *10
Voilà donc l’origine de l’usine de la Galoperie et son nom.
Le 13 janvier 1681, Englebert Le Meusnier de la Lobbe, sieur de la Galoperie, demeurant à Valenciennes, louait à Antoine Savart « bourgeois » demeurant à Sougland, le fourneau, étang et autres héritages dépendant dudit fourneau de la Galoperie, moyennant chaque année une redevance de 250 livres, monnaie de France *11.
En 1692 et 1694, Englebert de la Lobbe se disait seigneur de la Galoperie *12.
Au commencement du XVIIIe siècle, le fourneau de la Galoperie était encore en activité. En 1723, il était arrêté faute de combustible et remis en activité en 1737. En 1740, il n’existait plus *13.
Il était remplacé en 1762 par une affinerie qui produisait, en 1771, 881 quintaux métriques de fer.
Dieudonné dit, en 1804, que la forge de la Galoperie n’existe que depuis cinquante ans — comme forge alors — et est exploitée par les citoyens Desprez frères. Il ajoute qu’en 1789 son produit en fer était de 102.3o6 kilogrammes. 754 et en 1801 de 135.103 kilogrammes. 656.
En 1790 et en l’an X, la forge appartenait à Louis Despret, de Trélon. En 1811 il demanda pour être maintenu dans la jouissance de l’usine à fer : un arrêté préfectoral en date du 01 novembre 1811 apporta une nouvelle réglementation en maintenant l’activité.
Le 8 mai 1813, le sieur Beuret en fit l’acquisition de la famille Despret et celle-ci la tint pour le compte de cet acquéreur.
Par ordonnances royales du 03 novembre 1820 et du 1er mars 1826, le dit Beuret fut autorisé à conserver et à tenir en activité la forge de la Galoperie se composant d’un feu de chaufferie, d’un marteau et d’un petit bocard à crasses.
En 1855, elle faisait partie des établissements métallurgiques de la société Beuret, Godard-Desmaret, Dertelle et Cie, et comprenaitun gros marteau avec deux affineries au charbon de bois, une soufflerie, deux roues hydrauliques.
Le 19 août 1871, l’arrêté du sous préfet d’Avesnes autorisa M. Hardy Désiré à établir un dégraissage à la Galoperie; ce fut l’origine du peignage mécanique.
La Forge du Rie de Bon Feu
Appelée « le Maca d’écoute s’il pleut » sur le cadastre de 1823, c’était une forge appartenant à la commune en 1823, en 1837 à Jean Baudhuin marchand épicier à Anor, en 1855 à Louis rohaut banquier à Hirson, en 1858 à Nicolas Fostier fils et enfin en 1863 à Emile Fostier , forgeron à Anor. Elle semble avoir cessé de fonctionner vers 1870.
Les Sources :
*1 Archives de M le Comte d’Hennezel d’Ormois
*2 Michaux Chronologie historiques des Seigneurs d’Avesnes
*3 Chirographes communiqués par le Comte d’Hennezel d’Ormois
*4 Archives de M le Comte d’Hennezel d’Ormois
*5 Histoire de la mairie d’Anor
*6 Histoire ecclésiastique et civile du diocèse de Laon par Dom Lelong
*7 Archives de M le Comte d’Hennezel d’Ormois
*8 L. Lecomte, Notice sur l’industrie du fer dans le département du Nord
(Annuaire de 1844).
*9 Archives de la famille Despret
*10 Archives de M. Paul Fernel, de Féron.
*11 Étude notariale d’Iviers(Aisne).
*12 Tabellionnage d’Avesnes, par Gaston Bercet, en souscription.
*13 L. Lecomte, notice déjà citée.
Les photos sont extraites du cadastre napoléonien d’Anor de 1823