Depuis sa source à Grand-Reng sur la commune d’Erquelinnes en Belgique, la Trouille s’écoule d’est en ouest pour longer la frontière française et traverser Vieux-Reng. Après avoir renforcé considérablement son débit, la rivière serpente le long des contreforts de la butte Solmont de Villers-Sire-Nicole, puis revient en Belgique à Rouveroy. Elle continue ensuite son chemin en sillonnant les campagnes de Givry pour traverser (canalisée) la ville de Mons avant d’affluer dans la Haine à Jemappes.
Cette localité avait la particularité de posséder quatre moulins dont un sur le Ruisseau de l’Hôpital et trois sur la Trouille.
Le Moulin de Lameries :
Cette rivière, au hameau de Lameries, faisait tourner un moulin situé face à l’église. Louis Ferrand + 1801 époux de Marie Victoire Paveau + 1818 en était le meunier. En 1801 ses trois enfants héritèrent d’une maison avec le petit moulin.
Alexandre Rochefort, meunier, fut le propriétaire suivant (cadastre de 1844). Sa veuve souhaita vendre en 1851 ce moulin à blé à deux tournants. Vincent Bureau et Vincent Kaupermann en furent les acheteurs. Alexandre Lauthier le détenait en 1873 puis Antoine Coupermanne marié à Odile Bouillez en 1880. Le moulin n’était déjà plus qu’un bâtiment agricole et la maison fut achetée vers 1892 par Pierre Dereme, instituteur à Grand-Reng. Vers 1905, Marie Vergucht épouse d’Omer Delacroix en fit un café.
Le Moulin du Village :
Situé près de l’église, ce moulin appartenait déjà au XII e siècle à l’abbaye d’Hautmont.
Ce moulin a fait, au cours des siècles, l’objet de plusieurs transformations. En 162o, les religieux de Saint-Pierre firent agrandir le bief. En 1629, un procès se termina par l’obligation pour l’abbaye de faire élargir et approfondir le canal servant à amener l’eau au moulin. Un siècle plus tard, les moines d’Hautmont s’entendirent avec le seigneur de Vieux-Reng, M. Camisel, pour faciliter l’écoulement des eaux dans la localité. En 1755, le moulin était exploité par Nicolas Dubois et sa sœur Thérèse. Nous savons qu’il s’agit d’un « moulin à deux tournans, avec les usines et cours d’eau, maison, étable, jardin, un demi-bonnier de pâture, tenant à la Trouille, un journel d’étang servant à l’amas d’eau tenant à la venteillerie du moulin aboutissant à la rivière ». La mouture était au seizième. Le meunier rendait chaque année 220 livres, un porc gras et 9 muids de « verreux » à Saint-Pierre d’Hautmont.
En 1781, l’exploitation que nous venons de décrire était affermée à un meunier de Solre-sur-Sambre, Charles-Joseph André. L’ensemble des constructions était en mauvais état : « comme les édifices du moulin tant corps de logis que la grange, étables, digues et autres sont fort négligés et détériorés, les abbé et religieux promettent de les réparer et mettre en bon état, de même que tout ce qui est jugé défectueux et hors de service par la visite des experts qu’en a été faite le 16 février de la présente année 1781, excepté le bief que le preneur s’est obligé de nettoyer et mettre en bon état à ses frais ».
En 1797 Charles André + 1824 et sa femme Célestine Moreau + 1819 le possédait. Ce couple avait également le moulin de la Salmagne sur le ruisseau de l’Hôpital. A leur décès, le moulin à deux tournants actionnant chacun une paire de meules revint à leurs enfants dont l’un d’eux Charles Alexandre (1780 1819) fut meunier. A leur tour son fils Adolphe (1808 1857) puis son petit-fils Jules Valentin (1841 1888) apprirent le métier. Joséphine Constance Pierart, veuve de Jules Valentin, poursuivit l’activité de meunière jusqu’en 1914. Le moulin fut démoli en 1920 suite aux dégâts occasionnés par la guerre. Il ne reste plus que la cascade.
Le moulin de la Frêle :
A la sortie du village, non loin de l’actuelle école de parachutisme, se mouvait une foulerie qui en 1810 était déjà un moulin à farine appartenant à la veuve Boulard, rentière à Aix la Chapelle. Alexandre Mercier + 1814 en était le meunier. Sa veuve Joséphine Odille Bosquet + 1847 l’acquit vers 1815. Il n’avait qu’une roue mais deux paires de meules. Une de ses filles Caroline (1815 1882) marié à Florent Gérard (1802 1847) puis remariée en 1849 à Usmer Félix Bosquet (1820 1857) y habita et fut à la fois cultivatrice et meunière.
Le moulin dit de la Foulerie fut mis en vente en 1870 et acquis par Timoléon Gillot + 1894 époux de Laure Marie Arnould. Le fils Albert Gillot décéda en 1963 et l’activité du moulin servant à la mouture pour animaux cessa alors. Les bâtiments de briques en L sont toujours visibles de nos jours sur la D 28 au 116 rue de Maubeuge. L’étang quant à lui a été asséché vers 1970.
Dans cette commune, La Trouille a vu actionner deux moulins à farine, un tordoir, une scierie de marbre, une filature de coton et quatre platineries.
En venant de Vieux-Reng, elle rencontrait tout d’abord un tordoir construit en 1820 à l’initiative de Léopold Lhotellerie, négociant et adjoint au maire de Maubeuge. Cette fabrique d’huile de graines était située à 240 mètres en amont du point où le ruisseau de l’Hôpital se jette dans la Trouille. Elle n’avait qu’une seule roue d’un diamètre de 2.15 m et la chute du site était de 2.97 m. L’ordonnance royale d’autorisation ne fut signée qu’en juillet 1828, l’ingénieur des Ponts et Chaussées ayant effectué entre-temps plusieurs instructions concernant le nombre de roues qu’il aurait souhaité au nombre de deux et d’un diamètre plus grand. En 1843, le tordoir appartenait à Alexandre Charles de Maubeuge. En 1857 son propriétaire Charles Katèque mit en vente ce tordoir à huile « à trois presses et quatre meules, avec une maison de maître et magasins, le tout bâti sur 75 ares de près, étangs et digues ». Il réitéra la vente en 1859. A partir de cette date jusqu’en 1863, l’usine fut abandonnée. Elle fut alors louée en 1864 à Mrs Horrie et Decaussenne qui en firent une papèterie, en y ajoutant un cylindre à papier. Un déversoir y fut construit car jusqu’à présent la hauteur des eaux n’était réglée que par la hauteur des vannes de décharge. La papèterie n’exista que quelques années puisqu’en 1871, Ferdinand Gabet écrivit au Préfet afin d’obtenir l’accord de la transformer partiellement en moulin à moudre le blé. Le moulin eut une existence éphémère car il disparut vers 1877, ne laissant aucun vestige.
La deuxième usine rencontrée était le moulin des Roblins érigé en 1785 par Nestor Mériaux en tant que moulin à tordre le colza. En 1807 il était déjà une scierie de marbre appartenant à Lebrun, propriétaire à Beaumont en Belgique puis détenue vers 1815 par Alexis Legaie, propriétaire à Fontaine-l’Evêque. La scierie composée de deux tournants faisant mouvoir quatre armures disposant chacune de vingt lames fut démolie vers 1852. Une filature de laine peignée fut alors construite sur ce site à laquelle fut adjointe une fabrique de fer. Le banquier Autier Carion acheta l’ensemble en 1858 avant que lui succéda la société Tellier et Cie. Celle-ci fut liquidée en 1889. Les bâtiments tels qu’ils apparaissent de nos jours ont été transformés en ferme.
A quelques centaines de mètres de la filature, La Trouille faisait tourner trois platineries, au lieu-dit « le bois de la Samette ». Elles avaient été construites en 1770 et 1782 par Louis Joseph Wautier. Le peu de distance entre ces deux établissements provoqua d’ailleurs un procès en 1786 entre Nestor Mériaux et Louis Wautier, litige relatif à la tenue des eaux. Les forges produisaient des quantités importantes de fer et étaient occupées par Célestin Bouté. Après le décès de Wautier en 1823, puis de son épouse en 1826, leurs héritiers vendirent la forge et les deux gros marteaux à Savré Lesaffre qui mit comme occupant Alexandre Maillard. Vers 1850, Alexandre Meurisse acheta la forge avec Gustave Sculfort marié à Clémence Maillard. La forge Sculfort Maillard appelée en 1900 Sculfort et Fockedey fut démolie vers 1910.
Continuant son cours en direction du village, La Trouille alimentait en 1807 une filature de coton aux dimensions imposantes avec ses 60 m de long et ses cinq étages. Elle était auparavant un ancien moulin seigneurial ayant appartenu entre 1763 et 1788 à Pierre Augustin Caron de Beaumarchais. Ce fut un anglais, James Farrard, qui après l’avoir acheté au Sieur Delporte, le convertit en 1807 en filature. Décédé en 1815 à l’âge de 39 ans, sa fille Jenny mariée à Louis Joseph Carion, vendit en 1824 l’usine reconstruite à neuf suite à un incendie survenu en 1818. Les nouveaux propriétaires en étaient les trois frères Delepoulle, Augustin, Charles François et Lucien Jean Baptiste. En 1826, le Préfet leur accorda l’autorisation de l’augmentation du diamètre de la roue. En 1858 les frères Delepoulle demandèrent la réglementation de leur usine, celle-ci étant en vente à la suite de faillite. Constant Bultieaux (1822 1889), nouveau propriétaire en 1859 reçut l’arrêté réglementaire en octobre 1863, arrêté qu’il fit modifier en 1874. Il convertit la filature en moulin qui en 1893 était occupé par son fils Jules. Le moulin s’arrêta en 1918 et fut démoli vers 1930.
Au lieu-dit les Cacuillères, La Trouille faisait tourner vers 1735 un moulin à fouler les peaux détenu à cette date par Pierre Caillau, puis par Simon Laurent et Guillaume Loncheval. En 1783, Charles Lecomte obtînt l’accord d’y adjoindre une platinerie, autorisation confirmée en 1786 par un arrêté du Conseil. La platinerie revint en 1809 à son fils Henri Lecomte avant d’être détenue en 1817 par Félix, le même qui possédait la manufacture d’armes de Maubeuge et les forges de Ferrière-la-Grande. Félix céda l’usine en 1818 à Alexis Legaye qui détenait, comme nous l’avons vu, la scierie de marbre. En 1824 un litige opposa Legaye aux frères Delepoulle. En effet, Legaye ayant obtenu provisoirement l’autorisation d’ajouter des haussettes à ses vannes et au déversoir, suite à l’incendie de la filature, ne prétendit pas les enlever. Un arrêté préfectoral, avec reconstruction de la ventellerie composée de trois vannes de 1.46 m de large et construction d’un déversoir d’une largeur de 6.60 m, fut ordonné le 03/02/1826. Les travaux furent en partie réalisés en 1827. Quoiqu’il en soit, Legaye vendit vers 1828 la forge « avec four à réverbère, soufflets à cylindres, deux gros marteaux.. » à Léandre Mullier. Alexandre Meurisse et Gustave Sculfort, que nous avons déjà cités en tant que propriétaires de la platinerie Wautier au Bois de la Samette, détenaient la forge en 1853. Elle fabriquait des essieux et des étaux en 1876. On lui ajouta en 1903 une dynamo et une turbine. Cependant elle subit le même sort que la platinerie et disparut vers 1910. A cet endroit s’implanta l’usine Urbain puis la SAS Upichrome mise en liquidation judiciaire en juin 2018.
La Trouille continue son cours et au lieu-dit « Le Faubourg » elle rencontrait un moulin à farine situé à 800 m de la frontière belge. En fait, il se substituait à une fenderie érigée en 1770, convertie par le Sieur Lagace de Bécourt en forge en 1772 et détruite par les guerres en 1792. Jean Baptiste Baudry, époux de Marie Antoinette Molle en était le meunier en 1810. Il était le fils de Jean Baptiste Baudry et de Marie Joseph Montay, meuniers au moulin de la Busette sur le ruisseau de l’Hôpital. Auguste, fils du couple Baudry Molle, marié à Rosalie Bultiau, occupait en 1844 le moulin composé de trois tournants, trois paires de meules et de deux blutoirs. En 1886 Stéphane et Aimable Baudry détenaient le moulin du Faubourg. Il resta dans la famille jusqu’à sa destruction en 1918 par les Anglais, les Allemands s’en étant servis durant la guerre.
La Trouille avant de quitter la France, faisait tourner à 100 m de la frontière un dernier moulin appelé moulin de l’Hermitage. Louis Berat et Jean Leruste l’occupaient en 1797. Pierre Tibulle +1807 et sa veuve Aldegonde Nymphe Ferdinande Hennet furent les propriétaires suivants du moulin alors loué par Pierre Delporte. Le moulin appartint ensuite à François Fauconnier puis à Emile Ignace Fauconnier avec Mathieu Ducarne comme occupant. Fauconnier en 1846 ajouta une paire de meules aux deux existantes, changea la roue motrice et rétablit le déversoir. Le règlement de ce moulin fut entériné par l’ordonnance royale du 26 janvier 1848. Le moulin reconstruit en 1849 changea de propriétaire en 1850 et fut détenu alors par Désiré Rognon, receveur des Douanes à Eppe-Sauvage. Le vicomte Gustave Fery Laurent Charles Joseph de Bousies, qui habitait Rouveroy le posséda entre 1879 et 1881. Ses héritiers le louèrent en 1883 et en 1893 à Florent Lambert. Le moulin fut alors connu sous le nom de ses meuniers Lambert, bien qu’il appartînt à la famille Leroux d’Hautmont. Il subit des modifications en 1948 avec le remplacement de sa roue par-dessus par une turbine destinée à produire de l’électricité. Le bâtiment existe encore de nos jours mais les vannes ont disparu en 1962 suite à une forte crue.
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La bâtisse avait été achetée dans les années 1950 par Lucien Gérard originaire de Belgique pour y vivre avec son épouse Waltrud Bolinski originaire d’Allemagne. Il était alors agriculteur et les 7 hectares qui entoure le moulin leur permettait de subvenir à leurs besoins (cochons-vaches-blé et pomme de terre principalement ). La journée, il travaillait également au café qui délimite la frontière entre Villers-Sire-Nicole et Givry et qui appartenait à sa mère : Élise Libert. Le couple a eu un fils Erick.
A leur décès dans les années 1990 le moulin fut loué quelque temps avant que le petit fils Fabien y emménage en 2002.
Source du texte : Fabien Gérard que je remercie vivement pour ces informations complémentaires.
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Ce moulin à farine fut construit en 1748.
Appelé aussi le Moulin Lambert ou moulin des Castelets, le moulin de l’Ermitage est le dernier sur le territoire de Villers, avant que la Trouille ne rejoigne la Belgique. Autrefois propriété de Mr Leroux, il appartient maintenant à M et Mme Erick Gérard. Source du texte : Journal communal de Villers-Sire- Nicole Janvier 2018