La Solre prend sa source sur la commune de Solre-le-Château, à 228 m d’altitude et reçoit de nombreux affluents tout au long de son parcours. Son bassin versant essentiellement rural se caractérise par un paysage forestier en amont et un paysage de bocage en aval. Plus encore que les deux Helpes, la topographie marquée favorise l’apparition de crues violentes mais néanmoins, la contribution de la nappe y étant plus forte, les étiages sont moins marqués.
Après avoir parcouru 23 kilomètres, la Solre se jette dans la Sambre à Rousies. Avant cela elle traverse ou longe les communes suivantes : Solre-le-Château, Lez-Fontaine, Dimechaux, Solrinnes, Choisies, Obrechies, Damousies, Ferrière-la-Petite, Ferrière-la-Grande et Rousies.
La Solre prend sa source au lieu dit « l’Épine », sur le territoire de la petite ville de Solre-le -Château qu’elle traverse en adoptant une direction nord-ouest.
Elle est rejointe très vite par le Riamé, petit ruisseau prenant naissance à Clairfayts. Elle faisait alors tourner le moulin de la Foulerie appartenant à la famille De Croy dont Emmanuel-Marie-Maximilien De Croy (1768 Paris 1842 Roeulx Belgique). De Croy émigra à la Révolution. Le moulin qui n’était plus en 1796 à usage de foulerie fut vendu le 5 juin de la même année à Antoine Joseph Eugène George, propriétaire à Solre-le –Château. Celui-ci le loua en janvier 1797 à Alexandre Fontenelle puis en juin 1829 à Jean Baptiste Herbecq époux d’Eugénie Bocquet. Les héritiers George le possédèrent jusqu’à sa disparition vers 1901 où il fut remplacé par une nouvelle habitation. Entre temps en 1854 ce moulin à trois tournants avait reçu une machine à vapeur et en 1873 avait changé de destination puisqu’il servait « à la mouture des écorces pour la tannerie exploitée par M Plaisant ».
Au nord du territoire de Solre-le-Château, le ruisseau de l’Ecrevisse délimite la frontière avec Eccles. Il prend naissance à Beaurieux où il actionnait au lieu-dit « la Ferme du Moulin » le moulin du seigneur de cette commune, moulin à deux tournants détenu par la famille De Robaulx. Celle-ci le loua successivement à Théophile Blondeau, puis en 1829 à Antoine Serlin et Joseph Garand, en 1840 à Soumillon et en 1843 à Pecquart. En 1879 les De Robaulx laissèrent la place à une autre famille les Declemy notaires à Solre-le-Château. Le moulin a probablement fonctionné jusqu’en 1940.
Sur le ruisseau de l’Ecrevisse, cette fois à l’extrême limite de Solre-le-Château, deux moulins dits de Borzie et de Groez ou Groswez y étaient installés bien avant la Révolution. Ils étaient détenus également par le Prince De Croy. Ils furent vendus à Antoine George mais contrairement à celui de la Foulerie Antoine George les revendit en 1816 au prince De Croy. Ce dernier les accorda en location à Maximilien Massot en 1823 puis à Eugène Mairesse en 1827. En 1842 Anne Louise Constance De Croy, fille du Prince Emmanuel Marie Maximilien De Croy hérita des deux moulins et de celui de Clairfayts. Ils restèrent en possession des De Croy jusqu’à leur conversion en 1879 en bâtiments ruraux. Le moulin de Groez fut dans ses derniers temps et notamment en 1869 un moulin à écorces.
Le charmant petit village de Lez-Fontaine accueille ensuite la Solre mais aucun moulin n’y a jamais été recensé. La Solre longe alors l’extrémité sud est de Dimechaux sur environ 300 mètres puis rentre à Solrinnes où elle reçoit immédiatement le ruisseau de l’Ecrevisse.
Le premier moulin rencontré est le moulin de Reumont, aujourd’hui devenu une propriété privée accessible par un long chemin pittoresque. Il fut construit au XVIème siècle et était alors une forge hydraulique, propriété des moines de Liessies. Vers 1600 la forge fut remplacée par un moulin à farine et appartenait au seigneur de Solre-le-Château. Il possédait une ventellerie de quatre vannes, présentant un débouché de 5 m de largeur. Il fut confisqué à la Révolution et vendu à Constantin Carton (1780 1836), juge de paix à Avesnes qui le loua à Armand Hazard en 1818 puis à Pierre Colson et en 1825 à Philippe Heuclin. Ce dernier en 1837 ajouta au moulin un petit bâtiment à « fouler les étoffes de laine ». Les héritiers Carton vendirent le moulin en 1875 et il fut acquis par adjudication par Alphonse Flayelle. Il fut de nouveau mis en adjudication par les enfants Flayelle en 1897 et acheté par Octave Dubois. Le moulin continua son activité jusqu’à la fin de la première guerre mondiale alors que la foulerie était devenue dès 1889 un bâtiment agricole.
Au centre du village à l’endroit où la Solre reçoit le ruisseau de Hayette se tenait une foulerie également du domaine du seigneur le prince De Croy. Il appartiendra dès la Révolution à une famille de Solre-le-Château, la famille Magy. L’un de ses membres, Célestin Bernard époux d’Angélique Ambroisine Magy demanda en 1858 la réglementation de sa foulerie à quatre vannes et à trois roues, avant de la convertir en 1859 en moulin à écorces. Un déversoir d’une longueur de 5 mètres fut construit en 1864 malgré les très fortes réticences de son propriétaire. Le moulin restera dans la famille Magy après 1900 puis devint un bâtiment rural.
La Solre quitte Solrinnes et longe toute l’extrémité nord de Dimechaux en faisant la limite avec Choisies. Sur le début de cette portion une scierie de marbre à deux roues à pots et à six armures détenue par Augustin Tenret vit le jour en 1823. Tenret vendit la scierie en 1855 à Léon et Hector Ouverlaux qui la transformèrent en moulin à farine garni de trois paires de meules. Le moulin cessa son activité aux environs de 1914-1918 et le bâtiment avec son nouveau toit de chaume existe toujours.
La Solre à Obrechies faisait tourner deux moulins situés l’un en face de l’autre. Ils appartenaient à l’abbaye Saint Denis en Brocquerie de Mons en Belgique. Ces moulins à trois tournants dont l’un à usage de farine, un autre à écoussière et le troisième à usage de moudre les écorces sont vendus comme biens nationaux et achetés en 1796 par Elie Pierard demeurant à Saint-Aubin. Jean Joseph Julien, qui occupe le moulin en tant que meunier, marié à Florence Delrue en devint le propriétaire vers 1800. Après son décès en 1811, son fils Ignace Joseph exploita les moulins. Décédé en célibataire en 1854, il laissa les biens à son frère Constant.
Constant mourut en 1857, laissant le moulin à écoussière section B 411 à sa fille Odile mariée à François Julien Decuypert et le moulin cadastré B 410 à ses autres enfants Julien et Estelle.
Le moulin B 411 à épeautre, avec sa paire de meules à écoussière fut la propriété en 1871 d’une nièce à Odile, Estelle Alzire Zulmie, fille de Julien cité ci-dessus. Son mari Arthur Boussart ° 1840 + 1900 en devint alors le meunier jusqu’en 1882, date à laquelle le bâtiment fut converti en usage agricole.
Quant au B 410, il fut démoli en 1871 puis reconstruit dès 1873 en moulin avec deux paires de meules à farine. Arthur Boussart le donna à louer en 1897 à Henri Delhaye époux d’Elodie Richard. Le meunier Georges Guislin remplaça les deux roues par une turbine en 1927. Son beau fils Henri Dubois le fit fonctionner jusqu’en 1972.
La Solre délimite ensuite Obrechies et Damousies sans y rencontrer ici de moulin même si un projet de construction eut lieu en 1810 par Maximilien Bernard Fournier. Celui-ci renonça à son projet tant il suscita de nombreuses oppositions dont celles de Jean Joseph Julien, meunier à Obrechies, Marie Adrienne Mercier veuve Berteau meunière à Maubeuge, Jean Baptiste Carnoye meunier à Wattignies et de bien d’autres personnes.
La Solre traverse ensuite du sud au nord la commune de Ferrière-la-Petite où s’y trouvaient deux moulins. Le ruisseau du Quiévelon qui alimentait un autre moulin vient la rejoindre au centre du village.
Le premier moulin en amont sur la Solre était le moulin du Seigneur. Il était très ancien car il appartenait au XIV siècle à l’abbaye d’Hautmont.
En 1564, l’abbaye donna à bail à la dame de Molembaix, seigneur principal de Ferrière, le moulin et l’usine à eau moyennant une redevance annuelle de 140 livres et une autre somme de 5 livres au profit de la pitance et du vestiaire des moines. Dix années plus tard, l’abbaye et la Dame de Ferrière-la-Petite précisaient quels étaient leurs droits respectifs sur le bois Saint-Pierre. Il faut savoir que cette Dame de Molembaix et de Solre-le-Château, Marie de Lannoy était la veuve du marquis de Berghes, chevalier de la Toison d’Or, conseiller et chambellan de Philippe Il d’Espagne, mort en 1567… Les deux seigneurs de Ferrière-la-Petite n’étaient donc pas n’importe qui !
Ce furent ensuite les Croy, seigneurs du comté de Beaumont qui devinrent avec les moines seigneurs de Ferrière-la-Petite. En 1686, le Prince de Croy vendit sa seigneurie de Ferrière-la-Petite à François-Lamoral Lebrun. L’acte de vente nous apprend entre autre que l’illustre seigneur possédait « un moulin à eau banal, ventellerie et ustensiles, lequel moulin doit une rente annuelle de 145 livres à l’abbaye d’Hautmont ». En 170o, nos moines intentèrent un procès à la Dame de Ferrière-la-Petite « pour l’élargissement de la rivière avec le dénombrement des prairies situées le long avec plusieurs témoignages comme les Religieux d’Hautmont ne sont point obligés de relever la rivière le long de leurs héritages ». Trois ans plus tard, un nouveau procès fut entamé par la Dame de Ferrière cette fois contre les bénédictins qui auraient construit un pont sur la rivière « pour faire l’extraction des chênes abattus dans le bois Saint-Pierre ». Peu après la seigneurie de Ferrière-la-Petite passa dans la maison de Bousies.
Le moulin était donc avant la Révolution en possession du seigneur du lieu Charles de Bousies, habitant la Belgique. Il fut ensuite la propriété en 1810 d’Alexis Bully puis en 1826 de son frère Louis qui habitait la ferme de Raimont à Ferrière-la-Grande. Cyprien Jenot en tant que meunier occupait le moulin. Le fils de Louis Bully prénommé Henry vendit le moulin en 1840 au couple Alexandre Bultieaux Eugénie Carnoye. Alexandre reconstruisit vers 1855 un nouveau moulin tel qu’il apparait de nos jours. Il remplaça les trois roues motrices de 1,80 m de diamètre et de 1,40 m de largeur par une turbine de 1,45 m. En 1858 il utilisa une machine à vapeur. A son décès en 1869, ses quatre enfants héritèrent du moulin à eau et à vapeur. Un des fils Constant fut le meunier en 1881. Jules et Marie Elise, enfants de Constant, louèrent en 1884 le moulin à Augustin Maingain. Nestor Forest Liénard acquit en 1900 le moulin muni de quatre paires de meules.
Au centre du village, sur la rive droite de la Solre, conflue un ruisseau provenant du village de Quiévelon, long de 4,5 km. Il alimentait l’unique moulin à faïence de l’Avesnois construit en 1798 par les citoyens Louis Delannoy, propriétaire du Château de Vengiles à Damousies et Charles Debousies, l’ancien seigneur. Cette usine qui en 1801 comptait 55 ouvriers fabriquait toute sorte de vaisselle de ménage. Elle était composée de deux moulins à eau : le moulin à faïence et le moulin à couleurs « pour piler et moudre les vernis » que nous décrirons par la suite. En octobre 1805, Delannoy resta seul propriétaire des deux moulins. Sa veuve les céda à ses deux fils en 1829. En 1835 Fréderic Louis François Joseph Delannoy, un des deux fils, en devint l’unique propriétaire. En 1838 la création d’une Société par actions regroupa entre autres la faïencerie, le moulin à broyer les émaux et un moulin aux écorces. Ce dernier fut acquis à la même date par Cyprien Jenot époux de Virginie Briscart. Il fut transformé avant 1858 en moulin à farine par François Jenot fils de Maximilien et d’Elisabeth Hyacinthe Lefrancq. Leur beau fils Théodore Lefrancq fut le meunier puis son fils Camille qui cessa de faire fonctionner le moulin vers 1918. Le bâtiment actuel date de ces années là.
Reprenons le cours de la rivière de la Solre. Le moulin à couleurs évoqué ci-dessus qui appartenait également à Fréderic Louis François Joseph Delannoy fut acquis en 1838 par Amand Eugène Gossuin. Celui-ci sollicita l’autorisation d’y ajouter un second tournant et obtint satisfaction. Aimé Delmer acheta en mai 1863 le moulin suite au décès d’Amand Eugène Gossuin. La fabrication des émaux s’arrêta vers 1868. Le moulin avec roue hydraulique fut converti en partie vers 1871 en scierie de marbre par Alexandre et Edouard Liénard. La scierie comportant trois armures et un polissoir ferma ses portes vers 1925 tandis que le moulin équipé d’une turbine fut détruit par un incendie le 13 janvier 1960.
Il n’y avait pas de moulin à farine à Ferrière-la-Grande mais des extensions de la manufacture d’armes de Maubeuge établies par Robert Darest en vertu de lettre-patentes délivrées par le roi Louis XIV le 15 février 1701. Elles comprenaient trois grandes usines et deux plus petites et l’ensemble de cet établissement était appelé « la machine ». Au début du XIX siècle Eugène Félix époux de Marie Louise Constance Flore Hennet, directeur de la manufacture nationale d’armes de Maubeuge détenait cette fabrique d’armes qui fut supprimée en 1829.
En 1836 Pierre François Dumont, natif de Bouchain, marié à Marie Anne Renelde Aglaé Antoinette de Martigny des Roches, acquit l’ensemble de ces bâtiments. L’un d’entre eux devint une fabrique de quincaillerie vers 1840, un autre, une forge également vers 1840, et un dernière un laminoir réglementé en 1845. En effet Dumont construisit les premiers hauts- fourneaux au coke au lieu dit « trieux des poteries » puis des extensions avec cette forge et ce laminoir à l’emplacement d’une partie de l’ancienne manufacture d’armes.
La fabrique de quincaillerie fut ensuite louée puis acquise par la société Dandoy-Maillard, Lucq et Cie. Elle était composée de quatre vannes dont trois placées à la dérivation de la Solre, la quatrième dans la cour de l’usine. Celle-ci fut agrandie vers 1875 pour fabriquer des garnitures d’étaux et des essieux. En 1900 l’usine appelée l’usine Vautier employait 80 ouvriers. En 1950 c’était une entreprise de construction métallique.
Après le décès de P.F.Dumont en 1864 une nouvelle Société « A.Dumont et Cie » fut créée dans laquelle E.Lesaffre prit le titre d’associé gérant. Cette société devint en 1877 la « Société anonyme des Ets métallurgiques de Ferrière-la-Grande » et E Lesaffe l’administrateur-délégué et le directeur général.
La forge, nommée la Grosse forge ou usine d’En bas, cessa son activité en 1868.Une distillerie fut installée sur une partie des bâtiments de l’ancien fourneau mais détruite à brève échéance en 1871. Auguste Delattre né à Preux-au-bois en 1837 créa en 1873 les Ateliers de construction sous la raison sociale : « Aug.Delattre et Cie ». Il décéda le 18 décembre 1907. Cette fonderie en 1928 appartenait à la société anonyme des Etablissements Delattre et Frouard réunis, constructeurs à Paris.
Quant au laminoir ou usine d’En haut, la société anonyme des Etablissements Métallurgiques l’acheta vers 1870 à Alphonse Dumont fils de Pierre François maître de forges à Ferrière-la-Grande. Le laminoir fut démoli en 1924.
La Solre termine son cours à Rousies où avant de se jeter dans la Sambre, elle faisait tourner un moulin qui depuis 1711 appartenait à la famille Julien (1). Il était occupé par le meunier François Leclercq en 1795. César Soumillon en était le locataire en 1810, date à laquelle Louise Julien -Janmar vendit le moulin à Eugène Felix, le propriétaire des usines de Ferrière-la-Grande et du moulin d’Hautmont. Le moulin sur le bras annexe (2) moulait alors les céréales et était aussi sur la branche principale de la Solre une usine pour la fabrication d’armes (Section A 383 sur le plan cadastral de 1844). E Felix transforma le moulin en maka qui servit de platinerie tandis que l’usine fabriqua des broches et cylindres à métiers mécaniques et des articles de quincaillerie. François Dumont de Ferrière-la-Grande acheta en 1836 les deux établissements avec les bâtiments et les magasins qui en dépendaient. « Par acte notarié du 14 septembre 1868, le moulin et l’usine furent vendus par M. Dumont Alphonse fils à la société Dandoy-Mailliard et Lucq représentée par Antoine Vautier, Augustin Dandoy et Charles Lucq » (3). Cette société louait déjà en 1865 cette fabrique de quincaillerie et le moulin alors actionné par une turbine. Seule la société Dandoy-Maillard la détenait en 1895 avant que les Etablissements Sculfort-Fockedey-Wautier en prirent possession vers 1910. Les bâtiments très endommagés par la guerre 14-18 furent démolis en 1920. L’usine, sur le bras principal, fut démontée dans les années 1960 (4).
(1) : Renseignements fournis par M Alain Delfosse Président de l’Association Racines et Patrimoine. Voir le site http://www.rp59.fr et plus particulièrement le bulletin n°31 l’article : « les interprétations historiques, exemple du moulin de Rousies ».
(2) : « qui existe encore en souterrain », information de M Delfosse.
(3) et (4) : Renseignements fournis par M Alain Delfosse.